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L'hiver est mort. le 11/04/2020 à 09h49min45s

Vendredi saint confiné.
J’essaie de prendre quelques notes pour fixer mes réflexions tout en écoutant d’une oreille distraite les émissions de France Inter. Dans 6 jours çà fera un mois de confinement. Je me dis que jamais mes propres réflexions n’ont été aussi en accord, et même en avance, sur les préoccupations et les idées qui sont actuellement relayées par les médias.

Cela a commencé dès l’arrivée de l’épidémie en Italie en Février. Nous étions en vacances à Flumet, et nous avons appris les premiers cas d’un touriste anglais aux Contamines et du maire de Sillingy. J’ai eu pour ma part une grippe de quelques jours, rhume et petite fièvre d’un jour ou deux. Début d’inquiétude en raison d’un contact avec des neveux et nièces qui auraient pu avoir un contact professionnel avec des collègues originaires de ce village de Sillingy. Vu mon âge et mes antécédents de santé, cette grippe peut très bien m’être fatale. Avant les consignes du confinement, le 16 mars, nous avons pris la décision d’annuler un séjour collectif de raquettes à La Clusaz. On comptait les jours. 15 jours sont passés. Ouf, sorti d’affaire ! Puis Macron a pris la parole, mais pourquoi n’a t’il jamais prononcé le mot « mort » dans son premier discours ? Pour moi, il était évident qu’une troisième « drôle de guerre » mondiale était en train d’éclater. Nous étions donc tous les petits soldats dont la principale action consistait à éviter de tomber sous les coups de cet ennemi invisible, sournois et mondial, pour que nos structures hospitalières puissent nous soigner tous à tour de rôle, sans être engorgées et saturées, évitant ainsi des milliers de morts.

Devant la tournure internationale que prenait ces événements, une autre idée commençait à émerger dans mon esprit. Et si cette pandémie était une chance pour l’humanité ? Une occasion de remettre en question son mode de vie, son économie dévastatrice pour notre avenir, l’avenir de toute l’humanité, j’allais écrire pour l’avenir de notre planète, mais cette expression est tellement utilisée à tort et à travers qu’elle ne veut déjà plus rien dire...Déjà, les souvenirs s’en vont, aussi, je les mets par écrit. Il fait beau aujourd’hui, depuis le mois de février, en fait. Tout le monde est comptant. Moi pas forcément, parce qu’un beau temps prolongé signifie début de sécheresse. Ce matin il faisait 8 degrés en me levant, une bonne température pour la majorité de mes concitoyens citadins, et la météo nous annonce une température estivale, qui baissera la semaine prochaine. Comme chaque année depuis une quarantaine d’année, je retourne mon jardin qui assure mon approvisionnement en légumes et fruits pour l’année. J’arrose donc mes jeunes pousses en utilisant l’eau de mon puits. Mais une sécheresse après une épidémie, cela peut faire beaucoup de dégâts, et cela s’est déjà vu dans l’histoire. Et la préfecture a déjà mis en place quelques restrictions.

J’ai parlé de souvenirs à propos du temps qu’il fait. Je repense à ma jeunesse insouciante mais industrieuse et responsable à la ferme familiale. Comme j’étais interne pendant toutes mes études secondaires, je revenais aux grandes vacances, à Noël et à Pâques participer à la vie familiale et à tous ses travaux suivant les saisons. La méteo n’existait pas, ou peu à la radio. Connaître le temps qu’il allait faire était primordial, un coup d’œil à l’état du ciel, un petit tapotement amical sur le baromètre en bonne place à la cuisine, un regard sur le thermomètre accroché sur la façade nord de notre grande bâtisse, et nous connaissions le temps de la journée voire du lendemain. Pendant toute mon enfance et quatre mois par an pour mon adolescence, j’ai vécu la vie de paysan à la ferme. Je me souviens du record de chaleur au plus fort de canicules d’été, en juillet pour les fenaisons ou en août pour les moissons, le thermomètre avait marqué 27 degrés. Je ne me souviens pas l’avoir vu dépasser cette température.

Je mets en relation un autre souvenir, quelques années plus tard. J’avais repris des études, et à l’occasion de contacts avec la secte Moon, j’avais été invité avec une quarantaine d’étudiants français de fin d’études à un séminaire dans l’état de New York dans l’été 1974, le mois ou Nixon donna sa démission suite au Watergate. En faisant nos préparatifs avant de partir, on avait plaisanté, ce n’était pas la peine d’emmener une canadienne, c’était la canicule à New York. Mais pas de soucis, il paraît que tout était climatisé. De fait, à la descente d’avion, le thermomètre annonçait 30 degrés, mais l’aéroport était climatisé, les bus et les voitures aussi. Ma première expérience de vraie canicule.

Alors que dire aujourd’hui ? La météo nous annonce 25 degrés ce 10 avril. (Précision, il fait 27 ce soir vers 18h) Les dernières gelées se situaient traditionnellement autrefois aux « saints de glace », du 11 au 13 mai. Cette année on peut situer ces dernières gelées fin mars, période qui a vu geler mes pieds de kiwi et ma glycine en bourgeons fleuris. Le printemps a pris un mois et demi d’avance. On peut penser que l’hiver a pris de même un mois et demi de retard, ce qui est facilement corroboré par le constat de la mauvaise saison d’enneigement dans les stations de sport d’hiver. Voir des jeunes se promener en tee-shirt en plein mois de février dans une station de moyenne montagne comme Megève à l’occasion d’un temps exceptionnellement doux cette année, n’est pas obligatoirement une raison de se réjouir. Un mois et demi d’avance plus un mois et demi de retard, çà fait trois mois. Les trois mois d’hiver.

L’hiver est mort.

2020, l’année du coronavirus, a aussi sonné le glas de l’hiver dans nos régions tempérées, tel que célébré par Vivaldi. Exit les quatre saisons. Ces saisons seront-elles remplacées par une saison chaude et sèche, et une saison froide et humide ? L’avenir nous le dira. Mais je crois qu’il faut tout faire, une révolution mondiale s’impose, pour qu’enfin on puisse réagir devant les prévisions pessimiste du rapport Meadows remis au Cercle de Rome en 1970 constatant les limites de l’expansion économique, et enfin du Giec depuis déjà 25 ans. Nous avons dépassé le stade de la prévision pour entrer dans celui du constat aujourd’hui. A nous de limiter les dégâts, pour nos petits enfants. Riches ou pauvres.

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